Bien avant que les vocables réchauffement de la planète» et changements climatiques» ne soient d'actualité, on pouvait trouver, dans certains centres de jardinage et chez des grossistes en plantes tropicales, des plants de bananiers et autres plantes tropicales d'allure généreuse. Les curieux jardiniers qui exploraient ces introductions frileuses étaient la plupart du temps considérés comme des farfelus! Toutefois, la venue des palmiers sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal, a incité bien des jardiniers à risquer quelques dollars en invitant ces belles exotiques dans leur jardin. Certes, je ne crois pas qu'elles soient au courant de nos discussions sur les changements climatiques. Mais qui sait? Certains chercheurs soupçonnent les plantes d'avoir des moyens de communication... Ce bananier basjoo Musa basjoo, originaire des zones montagneuses de la Chine 3000 mètres, ne peut pas se douter un instant de la rigueur de notre hiver. Espérons que le jardinier pourvoyeur la connaisse, lui! Comment faire hiverner ce bananier dans le jardin? Il est préférable que le bananier ait été planté dans un sol parfaitement bien drainé, près des fondations de la maison. Après le premier gel, il faut rabattre la plante à environ 20 cm du sol et la recouvrir de 60 cm de paillis. L'idéal consiste à fabriquer une caisse en bois isolée avec du polystyrène. Recouvrez le tout d'une toile imperméable, par exemple un polyéthylène blanc opaque. Dès la mi-avril, retirez le tout et armez-vous de patience afin de voir surgir du sol plusieurs drageons de bananier. La souche de ce bananier résiste jusqu'à -15 °C. *** Amis lecteurs, merci de m'avoir lu et suivi toute cette saison. Merci à l'équipe de la rédaction du Devoir qui, cette année encore, a permis la parution de cette superbe page couleur. Et salutations à mon cher Philippe Mollé, qui ne rêve qu'à cette page couleur. Tu en auras besoin pendant l'hiver blanc! Savoure et pense au pauvre jardinier migrateur obligé de cultiver son art sous des cieux plus cléments, là où le soleil et la lumière jouent dans des feuillages exotiques, où les fleurs multicolores embaument les nuits de pleine lune... Mais n'est-ce pas là le lot des disciples du frère Marie-Victorin et du frère Léon? Je vous souhaite un bel hiver. Et rappelez-vous le jardinage, c'est l'art de perdre son temps. Mais quel grand art! - Chevalier de Romarin Jean-Claude Vigor *** La semaine du jardinier - Samedi 6 octobre, Saint-Bruno. Faut-il couper le feuillage des plantes vivaces? Voici six points importants. 1- On coupe ou on taille seulement après un gel intense. 2- Pour les pivoines et les delphiniums, on taille à 20 cm afin d'avoir une meilleure protection formation d'un petit nid» avec la base des tiges. Tôt au printemps, il faudra de nouveau couper ces tiges au ras du sol. 3- Quant aux vivaces qui portent des graines, comme les rudbeckias, les liatris, etc., ne coupez pas ces plantes puisque les graines seront profitables aux oiseaux pendant la période hivernale. Pratiquez plutôt un bon nettoyage au printemps. - Dimanche 7 octobre, Saint-Serge. 4- Il ne faut pas couper les feuilles des hostas puisqu'elles vont protéger les racines des froids intenses avant la venue de la neige. C'est d'ailleurs la même chose pour les fougères, les graminées et toutes les vivaces à feuilles en rosettes. 5- Il faut recouvrir les plantes sensibles au froid de feuilles sèches et parfois d'une toile géotextile blanche ainsi que d'un polyéthylène blanc opaque aux endroits du jardin où l'accumulation de neige sera faible. 6- En ce qui concerne les vivaces à feuilles persistantes comme les bergenias et les ajugas, avant de les recouvrir de feuilles, il faut installer un filet ou, mieux encore, une couverture flottante, comme pour les fraisiers. - Lundi 8 octobre, Sainte-Pélagie. Qui sème dru récolte menu. Qui sème menu récolte dru.» Ce dicton de circonstance concerne le semis de céréales mais s'applique aussi au semis de gazon. Il est essentiel de respecter la densité de semis indiquée sur le contenant, car chaque mélange a sa densité particulière. Certains jardiniers sont tentés de semer plus que de raison. Mais rappelez-vous que chaque semence a besoin de son espace vital! - Mardi 9 octobre, Saint-Denis. Les plantes d'intérieur manquent de fer. La plupart des réseaux d'adduction offrent une eau avec un pH plus élevé que 7. Les plantes tropicales préfèrent un sol acide avec un pH de 5 ou 6. Il faut donc acidifier le terreau. Plusieurs d'entre vous connaissent l'utilisation du vinaigre et du jus de citron, mais cela n'apporte pas de fer. Dans les jardineries et chez certains fleuristes, vous trouverez un fertilisant supplément qui s'appelle du chélate de fer. C'est formidable pour les fougères et toutes les autres plantes. - Mercredi 10 octobre, Sainte-Ghislaine. Toutes les feuilles sont-elles bonnes pour le compostage? En théorie, oui, mais en pratique, il convient de ne pas composter certaines feuilles, notamment les feuilles atteintes de maladies durant l'été, les feuilles des rosiers et de certaines vivaces attaquées par le mildiou. Il y a aussi les feuilles lentes à composter, par exemple les feuilles de chêne, riches en tanin on peut les composter à part. Les feuilles lisses comme celles des saules et des trembles se collent entre elles et empêchent l'air de circuler. Le manque d'oxygène et le compactage empêchent alors la décomposition. Dans ce cas, déchiquetez les feuilles à la tondeuse. - Jeudi 11 octobre, Saint-Firmin. À la Saint-Firmin, l'hiver est en chemin.» Tailler ou ne pas tailler les clématites? C'est selon. Il y en a trois types. Groupe 1 clématites à feuilles persistantes comme les espèces C. alpina, C. montana et C. macrocarpa, qui fleurissent très tôt au printemps. Groupe 2 clématites à grandes fleurs produites sur le bois de l'année précédente. Les clématites de ces deux groupes ne doivent pas être taillées à l'automne. Coupez seulement les tiges mortes ou mal orientées. Groupe 3 c'est le plus courant. Les fleurs éclosent tardivement, sur le bois de l'année. Espèces C. x Jackmanii, C. viticella et autres. Dans leur cas, rabattez les plants à 50 centimètres du sol. N'oubliez pas d'installer un paillis de protection. - Vendredi 12 octobre, Saint-Wilfried. Vous souvenez-vous de la recette antigrippe de l'Herboristerie du Palais-Royal, à Paris? Vous avez besoin de cinq ingrédients pour une tasse de trois à cinq baies de genévrier que vous devez écraser, deux feuilles de laurier sauce, deux clous de girofle, une pincée de fleurs de tilleul et une pincée de cannelle pour le goût. Faites infuser le tout de cinq à dix minutes avec de l'eau frémissante. Vous pouvez sucrer avec du miel. Voilà de quoi éloigner la grippe! *** Un cactus hasardeux, l'Opuntia humifusa Lors d'une visite au jardin alpin du Jardin botanique de Montréal, avez-vous remarqué cette plate-bande de plantes succulentes qu'on dirait sorties d'un paysage de l'Arizona? Un cactus nommé la raquette de l'Est Opuntia humifusa est considéré comme étant menacé de disparition au Canada. Son aire de distribution se limite à la pointe Pelée et sur l'île du même nom en Ontario. La plupart des gens sont surpris de découvrir qu'il existe quatre espèces de cactus poussant à l'état sauvage au Canada. Les centres de jardinage de la grande région de Montréal proposent régulièrement l'Opuntia humifusa zone 5, dont les raquettes peuvent atteindre 15 centimètres de longueur, 10 cm de largeur et un centimètre d'épaisseur. Quelques longues épines pointent à l'extrémité de chaque raquette, dont le reste de la surface semble nu. Mais ne vous y fiez pas elle est en fait couverte d'aiguilles argentées presque invisibles. Si on les touche, cela peut être très douloureux. On comprend ainsi pourquoi on ne retrouve pas ce cactus à foison dans nos jardins! Mais puisque bon nombre de courriels que je reçois portent sur les dégâts causés par les mulots, les chats et les écureuils, voilà une plante remarquable, dotée d'immenses fleurs jaunes cireuses ressemblant à des roses et, qui plus est, de la faculté de se défendre. Pour conserver l'opuntia, l'égouttement du sol doit être parfait. Il faut s'assurer qu'aucune feuille d'arbre ne séjourne sur les cactus. En ce moment, le filet s'impose en effet, comment nettoyer cette colonie de petits cactus? Note la floraison de l'opuntia a lieu fin juin ou début juillet. C'est d'ailleurs une attraction particulière de la pointe Pelée. À elle seule, elle vaut le déplacement. Pour votre bibliothèque Marie-Victorin 1885-1944 est le scientifique le plus connu du Québec. Sa renommée repose avant tout sur le Jardin botanique de Montréal, qu'il fonda en 1931, et sur sa célèbre Flore laurentienne 1935. À partir de 1938, il fit sept voyages à Cuba, des séjours qui lui permirent de prendre contact avec un certain frère Léon, Français émigré à Cuba et auteur de La Flora de Cuba, avec qui il publia Itinéraires botaniques dans l'île de Cuba en trois volumes. Ces ouvrages dominèrent pendant des décennies l'histoire botanique de la perle des Antilles. De 1907 à 1944, Marie-Victorin et le frère Léon ont entretenu une correspondance soutenue qui nous permet de comprendre leur cheminement respectif. Cette correspondance, souvent émaillée d'humour, nous fait découvrir de nombreuses facettes de cette période cubaine d'un Marie-Victorin maladif, détestant l'hiver canadien, se réfugiant dans un hôtel de La Havane et désirant vivre d'une autre façon, deux ou trois mois par année, loin de son Jardin botanique et des exigences de sa communauté. On y sent toute la ferveur des deux botanistes et leur connivence de scientifiques étant entré dans les ordres. L'auteur, André Bouchard, est professeur titulaire d'écologie au département de sciences biologiques de l'Université de Montréal et chercheur à l'Institut de recherche en biologie végétale au Jardin botanique de Montréal. Marie-Victorin à Cuba Correspondance avec le frère Léon André Bouchard Presses de l'Université de Montréal 218 pages, 2007, 29,95 $ *** Fleurs de colchique, parfum d'automne Jean-Claude Vigor Ouf! Voici enfin mes fleurs de colchique! J'avais peur que ces vieilles amies de plus de 20 ans ne soient pas au rendez-vous! Mais aujourd'hui, je peux compter deux douzaines de fleurs. Comme tout jardinier, j'ai des rites de passage. La floraison de mes colchiques me fait penser aux châtaignes de mon enfance, à l'odeur des marrons chauds et à la voix forte qui les accompagnait. Je l'entends! C'est aussi les préparatifs de l'hivernage et de l'engrangement, la fin d'une saison de jardinage et le début d'une longue saison de liberté! À voir en vidéo